• Roman de l'être

    L'aperception, la perception de soi par soi, qui dénote du paradoxe de poser notre vie la plus intime comme un fond étranger, s'opère comme une construction à travers des valeurs, des attachements, des mirages, des impératifs, l'espace et le temps, l'émulation sociale...

    Mais encore, elle se formule toujours comme une sorte de roman de sa propre vie.

    Si l'on observe, tout au contraire, qu'au plus intime de notre vie la parole n'a pas cours, les réprsentations s'effacent, alors ce roman que l'on étale devant nous comme notre aperception doit être abandonné, remis en cause.

    Et à fortiori, si nous parcourons ce roman, nous pourrons observer à quel point il est fondé sur des valeurs relatives, des exigences contingentes, des pulsions passées, des attachements à des contextes effacés, ou situés si loin dans la mémoire... Fondé aussi sur des frustrations, des complexes, des comparaisons... Fondé sur une recherche de reconnaissance et d'insertion sociale, qui renforce l'imaginaire et les liens aveuglants la conscience.

    Mais cependant, l'homme se considère à la pointe du réel, et dans cette réalité considère les constructions de soi, le grand théâtre qu'il forme de sa vie, comme l'ultime.

    Cette imagination qui n'a de cesse de formuler le monde, cette imaginaition qui fonctionne en corrélation avec nos affects, sentiments peurs, envies, croyances, cette imagination (qui forme en quelque sorte la sphère existentielle du moi) est donc est tenue pour la réalité.

    Bien qu'éphémère, évanescente, conditionnée, l'imaginaire romance du moi est postulée exister de manière ultime, sous un ciel de vérité.

    Car quoiqu'il advienne, ou quoiqu'il en soit, tout instant considéré, imaginé, même s'il disparaît, aura pour le moins existé. Et certes, notre configuration psychique aura existé d'une telle manière quoiqu'il en soit... Mais-est-ce pour autant qu'il s'agit là de l'existence d'un moi ?

    Poser la question c'est y répondre : comme tout instant de conscience s'évanouït complètement, pour laisser à la place à de nouveaux instants de conscience, tout instant du moi se sera complètement évanouït. Dans la nouveauté, l'altérité, le moi n'est qu'un rappel, qu'un fantôme!  Le moi pensé se sera évanouït, et sera repensé : repensé précisément par cette intimité première dont on s'est distanciés formant l'aperception véhiculée par le langage romanesque. 

    Aperception notamment formée à sa racine par les injonctions et les mots d'ordre émis depuis le champs social, depuis le langage de l'autre, et pointant notre corps ignoré.

    Ayant pris possession de ce langage pour nous même, nous aurons donc pris l'habitude de nous formuler à travers ce langage pour nous-même, suivant une forme d'indépendance et de liberté, qui courre cependant le long des affects et des événements.  

    Nous vivons de la sorte notre roman de manière fantomatique et hypnotique. Face à la réalité, nous invoquons le moi de tous ces instants perdus pour le ressusciter en sa nouvelle position.

    Forme de renaissance machinée dans les topiques de l'esprit, qui aura l'avantage de connoter toutes les positions d'échanges sociaux et matériels, les dettes, les attentes, les devoirs vis à vis de l'extérieur. 

    Ce roman de soi-même s'imbrique de la sorte dans le roman de nos proches, et plus largement dans le roman culturel de notre époque. A l'inverse, les règles de grammaire suivent ce fond culturel, et par règle de grammaire dans cette fabrication de notre histoire, nous pouvons tout aussi bien entendre les lois et les coutumes, les modes etc.

    Il y a donc là un jeu permanent de création. Mais cette création, ce théâtre, ne se développe qu'en soi-même. L'histoire que je me prète n'a que peu d'éléments communs avec ce que d'autres peuvent en conclure ou en percevoir.

    La folie de l'histoire, ou la pensée folle de Dieu, serait d'émettre l'hypothèse que l'histoire que nous nous racontons, que notre propre roman, est notre vérité en Dieu. Or cette position typique d'une paranoïa excessive est la position ordinaire du sujet dans notre époque. (Et tant que ce fonctionnement existe, la question de l'athéïsme ou de la croyance ne se pose pas, celà revient exactement au même. Ainsi Nietzsches disait qu'il ne suffisait pas d'avoir dépassé la superstion de Dieu, si c'était pour garder la même position de l'homme. A savoir selon nous, ce caractère romanseque entendu comme vérité se déployant)

    Parce que "Dieu" n'est pas l'absolu enveloppant l'image fortuite de l'être, mais le signe de l'autre, le concept subsumant notre corps, notre implication réelle dans l'interdépendance, dans la réalité commune. Implication dans la réalité des autres, dont les positions singulières nous échappent absolument. Dieu est ce signe de notre être inversé dans l'autre ou dans l'univers.

    Quoiqu'il en soit, se tourner vers la vérité et la sagesse nécessite donc d'abandonner ces formulations, projections de soi dans l'histoire que nous nous offrons à nous-même...

    Si cette histoire à la vertu de rendre osbcurément notre implication "dans l'univers et l'autre", en déduire la synthèse nécessaire, substantielle fixe d'un moi est l'illusion fatale qui accompagne cette nécessité d''ordre pratique.

    Abandonner ces projections existentielles, ces scénarisations, devrait se faire une fois atteint l'âge "adulte". Observant qu'il s'agit là d'une activité relative et évanescente de notre pensée, un moyen et non une fin, un outil et non une réalité.

    Mais cependant, nous ne faisons que suivre des schématisme, des règles d'écriture du roman, et suivant celà, nous obéissons également, aveuglément à nos envies. Parce que les règles et les attributs mentaux les recouvrent, parce que les mots, les idées et les formules les voilent. Nos pulsions, nos frustrations, nos motivations profondes ne sont en conséquence, la plupart du temps, que très mal conscientiées.

    Et ce malgré la scénarisation, ou justement du fait de la scénarisation! 

    Nous mettons donc en branle une machine sémiotique qui vient voiler la réalité première de notre organisme vivant, avec ses besoins. Nous nous projettons dans des mondes dont nous avons oublié même qu'il sont le fruit de notre imaginaition. Nous suivons des modèles d'action et de pensée qui sont des formes d'achétypes, de prototypes émulés, inconsidérés... Nous suivons ces modèles "de grammaire" comme des pantins et ignorons la réalité de notre affectivité liée à ces modèles.Nous sommes dépossédés. Nous nous rendons tristes par nos croyances, par nos histoires.

    En vivant de la sorte dans la sphère de la mémoire, du moi, en vivant comme un fantôme sans cesse ressuscité - ressuscité parce que nouvellement lié, résonnant à nouveau dans le passé -  réssuscité dans de nouvelles satisfations et projections, nous oublions l'instant présent dont émane tout ce processus.

    On sidentifie à la surface, à des différentiel, à des positivités.

    Nous nous sommes perdus dans le roman de l'être. Or "l'être", dans le fond le plus intime, peut-être se confond-il avec l'absence et avec la paix. Avec l'absence de toute saisie, de toute objectivation, de tout mobile.

    Ainsi si nous nous tournons vers les profondeurs, vers la paix, nous constaterons que la sagesse préverbale ne positionne, ne laisse apparaître aucune positivité.

    Les positivités, la prétendue positivité de l'être (qui s'oppose fatalement au non-être, à la disparition, à la mort... ) sont en réalité un jeu incesant de l'imaginaire et du langage, sur lesquels glissent les affects.

    Nous produisons de la sorte, sans cesse, des différentiels, ces différentiels que nous partageons, en outre, à travers le langage avec les autres : espoirs, attentes etc.

    Cet être que nous idntifions avec une positivité de principe (même si elle est négative), s'apparente toujours, en réalité, à un clivage au sein de la subjectivité, à une agitation mentale, à une poduction psychique.  

    S'il s'agit d'un jeu superficiel, il ne s'agira donc pas de la nature profonde qui conditionne et formule ce jeu. Cette nature qui nécessairement est au delà du jeu que nous identifions.

    On peut comprendre en conséquence que la spiritualité nous invite à "renoncer au monde". En renonçant au monde, on ne renonce à rien de substantiel :  on renonce au jeu des croyances illusoires que nous renforçons sans cesse, mais qui n'est qu'un fonctionnement partiel et précaire de notre esprit.

     

     

     


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