• S comme selfie

    Les nouvelles du monde ne font plus le réveil. A l'inverse, chacun semble se recroqueviller sur sa plus petite réalité. Que faire, d'ailleurs, tant que nous ne voyons pas de vaste mouvement populaire...

    Les jeunes filles en face de moi manipulent leur I-Phone, objet transitionnel centré au sein du groupe.

    Objet par lequel transite l'existence objective, la certitude d'exister, la "plus-value" de l'être due au fait de la saisie. Ou des psychologues diront, le "renforcement" de l'existence. 

    L'être n'étant "plus-value" qu'à la condition de cette médiation objective par laquelle il transite et fait retour. Saisie primordiale, acte désespéré dans le Jardin d'eden, hier déjà.  

    L'être était déjà un produit de la représentation, de la ré-flexion. Ce que l'on saisissait pour soi, abstraitement, conformément aux valeurs de la communauté semblait alors valoir absolument. Tout autour s'agencent les dires et les faire... 

    Cette saisie "aperceptive" se trouve aujourd'hui machinée par des artefacts ou interfaces qui sont comme de véritables greffes opérant dans le champs de la valorisation affective, du renforcement, de la saisie de la réalité.

    Or cette saisie par l'illusoire a aussi une vérité du signe, et une activité. Action et pouvoir des signes dans l'intersujectivité électrisée.

    Quoiqu'il en soit, les membres du groupe en face de moi ne semblent parvenir à la satisfaction de l'existence qu'à travers le numérique portatif. Et cette image, artefact hypnotique, réduction de l'être, se déploie dans un espace de valorisation.

    Cet espace de valorisation est normé selon des règles d'appréhension "athmosphériques" ou "immanentes" : jeu et synthèse des réactions attendues, jeu des partages. Inscription dans un horizon virtuel qui se déploie comme un ciel, et duquel viendra sans doute, effectivement, quelques retombées...

    Par ailleurs, il y a collusion et confusion, de plus en plus, avec les mass-medias, la communication de masse. Privé/public, être et existence. C'est un même champs ontologique qui se prétend ici ou se déploie, ou capte... : entre l'image propre publiée et la grande information internationale...  

    En réalité, l'espace en lequel s'interpose l'image numérique est l'espace de la norme, de la valorisation.Espace du "faire-valoir".

    La profondeur qui entoure la structure plate et lumineuse de l'image est chargée de toutes les couleurs émotionnelles qu'elle suscite et qui lui sont attribuées implicitement, ou par un organisme quelconque.

    Force des signifiants, des traits de subjectivité, des inductions produites par les stéréotypes, les physiques normés, les images du contentement, du bien être, du bien pensant...

    Force de signifiants majoritaires donc qui n'expriment pas tant une subjectivité intrinsèque qu'une subjectivité qui se prête ou est projetée.

    Les signifiants normes étant émulés en chacun des êtres humains, le jeu de l'être sera donc un jeu d'ajustement en conséquence. 

    Il y a là bien sûr une forme d'assujettissement. Une soudure de l'apparence à l'être. 

    L'expression enveloppe l'être, en témoigne. Dans l'idéal unitaire. Mais dans la réalité du multiple, l'être est également projeté, prêté, induit à l'expression par chaque individu.

    C'est comme cela que chaque individu pense partager le multiple alors que le multiple n'est qu'un partage de la singularité.

    La vérité de l'image, ici, est un appel à investissement.

    En pensant à la norme de l'induction, de l'appréhension, à la vérité comportementale qui en découle, on ne pourra pas éviter d'évoquer le problème de la folie.

    On pourrait penser, par exemple, que ne pas projeter, d'une humeur commune à la moyenne, le sens correspondant à l'ordonnance des pixels sur la photo est folie. mais le faire est tout autant aliénation... 

    Vérité et objection : est-ce pour tenir la raison que nous nous tenons affectés par des images? ! Et cette emprise des images sur nous !

    Dans le même esprit, la liaison des pulsions est par exemple savamment induite et étudiée par la société et sévèrement normée. Qui ne se prête pas au jeu est taxé de folie ou de marginalité. Ou alors viennent les luttes pour la reconnaissance et l'investissement capitaliste, qui pourra soutenir de nouvelles normes dans la mesure ou il en est fait usage de commerce... Ceci dit sans en juger.  

    La réalité est une machine sémiotique. Nous avons beau penser des individus intentionnels sous les agencements sémiotiques, nous n'avons d'accès qu'à ces agencements sémiotiques.

    Infinie solitude. Mais on peut également découvrir sous les agencements sémiotiques l'intention, le coeur de l'être que nous postulons, le partage. 

    L'intention, voilà le fil d'Ariane.

     

     


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