• La pensée de l'autre est le variateur intime de ma subjectivité.

     

    Dans les fines strates de l'expression, on voit paraître de l'autre ce qu'il sait consciement exprimer, ce qu'il veut exprimer, ce qu'il sait partager, ce qu'il pense partager... Mais aussi bien sûr on voit aussi le comportement in-géré, admis ou assimilé, inconscient, non géré car débordant, pulsionnel. Ou encore maladif ou victime, coupable ou sclérosé.

    Que ces pulsions menées à l'expression soient condidérées comme légitimes et partagées, ou absurdes et déplacées par l'un et l'autre, tout celà apparaît à l'expression.

    Les strates de l'expression sont de fines couches de dynamismes afflreurants depuis le corps de l'autre par laquelle on le construit comme sujet, comme être, comme subjectivité. C'est toujours soi qui prète à l'autre son sentiment, qu'on se laisse emporter dans une réaction à ce sentiment ou qu'on le laisse à l'autre en l'observant comme sujet idéalisé dans le vaste ciel de son esprit.

    Le regard est le plus profond pour entrainer l'autre dans son sentiment. Mais surtout, ce jeu de l'expression nous entraîne. Prêtant à l'autre, on ne lui prête pas sans s'activer soi-même en conséquence, c'est la communication, le fait de faire jeu commun, et de savoir faire jeu commun.

    Un troisième terme est donc nécessaire, par principe, pour envelopper la compréhension et l'harmonisation d'un duo. Ce troisième terme sera la reconnaissance commune de normes d'actions-réactions : loi, culture, sur lesquelles se base la reconnaissance.

    On comprend aisément en celà comment et pourquoi dans les peuples primitifs, dans les religions du livre, les lois du vivre ensemble ont été dites rapportées depuis une instance supérieure aux individus particuliers, puisqu'il s'agit alors d'en régulariser l'échange.(L'échange entre les individus). La monarchie de droit divin répond de la sorte au totem dans une mise à distance réciproque et une distribution des rôles et des revenus.

    Le Dieu comme juge ultime ou absolu serait en celà le grand administrateur des comptes à où la régulation humaine est en prise avec les limites de la finitude de son entendement. Mais surtoiut, de même que l'on prète son sentiment à l'autre, on s'agit auparavant de reconnaître une norme commune allant pour l'interprètation de soi comme pour l'interprètation de l'autre.

    Et on parle à dessein d'une "interprètation de soi" là où d'autres placent une "perception de soi" ou aperception. Dans l'aperception, les normes d'appréhensions, l'aune d'appréhension, n'est pas jugée comme relative, mais nécessaire.

    Si la norme d'évaluation qui rend compte de la formation du sujet, d'un "objet moi", synthétisé, ou encore dit autrement, d'une "position existentielle" (dans le temps et dans l'espace) est nécessaire, absolue, valable universellement, ou, "pour tout sujet humain" (comme le dit Kant, avec l'hypothèse de Dieu comme garant qui reste cependant inaccessible à la vérification aperceptive), alors le produit de la synthèse est lui aussi nécessaire, "vrai", non pas déformé.

    Un peu comme un jeu de miroir : si le miroir est droit, le reflet est juste, si le miroir, déforme, le sujet reçoit une vision autre de ce qu'il produit dans les autres miroirs. Une vision autre dont la fausseté se vérifie en ce qu'elle ne concorde pas avec celle des autres sens (toucher, proprioperception, kinétique etc. )

    Les systèmes de vision de soi, d'interpètation de soi, sont comme des miroirs rendant compte de sa position propre autant que de celle des autres. C'est un même jeu d''interpétation qui rend compte de soi comme des autres.

    Aussi peut-on, dans une société donnée, vérifier à tout moment la validité de notre système d'interprètation du réel, en cela qu'il permet des anticipations. Autant sur l'objet que sur le sujet, un système d'interpètation de l'autre adapté anticipe sur sa réaction pui peut dès lors être attendue, et le jeu se poursuit de la sorte où ce qui se prète donne lieu à une construction commune de la réalité.

    La pierre de touche de l'interpètation juste, ce n'est donc pas la formation du sujet en lui-même, mais la conséquence immédiate, la manière dont va couler le devenir au départ de l'action psychique. Dans ce processus, la perception de soi est toujours un avatar. Un avatar d'ordre pratique, comme un déchiffrement plus ou moins opaque de la réalité, une esquisse mentale qui vient se loger dans les fils de l'activité, mais qui n'apparaît en rien à l'extérieur, à l'autre, qui ne dure pas plus d'un instant, qui n'a pas, en somme, d'existence propre, pas plus qu'un phénomène d'image dans le miroir ne dure plus d'un instant, ou pas plus qu'un phénomène énergétique ne se fige.

    Cet avatar, certains, par paresse de pensée, par habitude, par ignorance, voudraient le voir fixé en "Dieu". Dans cette conception, "Dieu" qui a transmis les lois d'appréhension de soi et des autres, interpète nécessairement, juge de manière absolue l'action, et à travers cela forme un sujet réel ou "véritable". Pacre que le point de vue n'est pas relatif, parce que le jugement est absolu, le produit du jugement, "de l'estime de soi", est également "absolu" , valant en soi et par soi, non relatif... Et donc non temporaire, éphénmère, conditionné par le devenir, appellé à s'effacer etc.

    Mais dans la réalité - et il y a bien sûr l'incommensurable règlement d'ordre de la réalité qui nous échappe infiniment - dans la réalité donc ce qui juge de soi, de la formation de soi, c'est avant tout soi-même et les autres. Au sens de sa propre activité psychique singulière, et celle des autres qui font miroir, en une vaste intersubjectivité donc aucun être n'est exclu.

    On peut penser ici à la proposition de Sartre selon laquelle "l'existence précède l'essence". Mais nous ne la cautionnons pas pour autant car elle nous paraît beaucoup trop ethnocentrée, et elle ne rend pas compte du caractère infini, illimité, de l'ouverture de la subjectivité humaine. Conférer en outre le terme "d'essence" là où l'on veut pointer un avatar d'ordre pratique, sans substance et sans nécessité ne convient pas, en outre. Et l'on peut voir en conséquence dans la pensée de Sartre la promotion d'une certaine tyranie sociale.

    Si la subjectivité est par essence intersubjectivité, produit de l'apprentissage, de l'expérience, du devenir, de l'inter-être (pour reprendre l'expression de Tich Nath Han), il y a aussi au coeur de la singularité, un solipsisme matriciel indéterminé comme condition de possibilité des formations "plastiques" de celle-ci.

    Cette matrice, avant d'être déterminé par n'importe quel schématisme forgé dans le bios, qu'il s'agisse de la formation de soi ou de l'interprétation de l'autre, est nécessairement ouverte et sur soi, et sur l'autre : sur l'univers entier, entendu que tout élément formé -en formation ou informel- s'y donne préalablement. Cette matrice en conséquence est non close, nécessairement ouverte. Elle ne peut être arrêtée à la limite de nos sens, puisque nos sens, à travers la limitation de leur champs perceptif propre, rendent compte d'un positionnement interdépendant qui précède leur compte rendu !

    Ce champs du réel et de l'interdépendance qui précède la prise de vue, le lecture sensitive, ne devrait pas être appelé l'existence comme le dit Sartre (ex-sistence, se tenir en dehors, dans le dehors, dans de l'autre, dans un milieu qui fait signe ) mais l'insistance : se tenir en dedans un ordre plus vaste et non pas mis à jour.

    Sachant que toute mise à jour pour un entendement humain, est décalée dans le temps et limitée, cette limitation même formant l'objet.  En opposition, on peut postuler que la synchronicité absolue du savoir et de l'être est la nature de "Dieu", faisant un avec l'expression. Dieu sans "réflexion" au sens où la réflexion humaine est médiation par des comparatifs de valeurs, par essence une hésitation - Dieu ne change pas d'avis, la bonté des lois et de l'être est immédiate, donnée. "Dieu est ici entendu, en outre comme la substance même de notre singularité, son essence.

    Pour le dire en images : les dualités et les oppositions qui se forment ensuite dans les dynamismes du psychismes sont comme des déclinaisons de couleurs de la lumière blanche à partir d'un prisme. 

    De la même manière qu'il s'agit toujours de la décomposition de la lumière blanche, tout le devenir, les idées de soi et des autres, l'intersubjectivité, la multiplicité, sont des formations, vues, projections, interprétations de la singularité irréductible.

    Il ne s'agit nullement en cela de nier la multiplicité réelle, dont la réalité est d'un autre ordre : précisément celui de "Dieu" entendu comme totalité ouverte que nous ne subsumons pas. (*Cette absence de subsomption au deuxième de gré, qui 'en soit de l'espace ou du temps, est la clé d'accès à la réalité.) 

    C'est dire que la multiplicité réelle n'est pas de même nature que la multiplicité numérique. Une multiplicité numérique se distingue toujours dans le présupposé d'un élément commun, norme, sur fond de quoi se fait jour la différence. C'est à dire que l'unité est toujours déjà unité dans le présupposé de la différence à un autre. Le un est toujours différent d'un autre "un" ou d'une multiplicité présupposée (dont en outre on supposera l'intérêt et la nature divergeant).

    Le un n'est de la sorte jamais unité dans la multiplicité numérique, mais déjà éclaté et distant.  

    La nature d'une multiplicité réelle par contre, est de laisser chaque coeur de singularité, matrice, recouvrir l'ensemble de la multiplicité à titre de contingence, ou d'attribut, mais non pas à titre d'essence ou de comparatif égalitaire.

    En d'autres termes, la multiplicité réelle ne peut être saisie en aucune manière par l'entendement humain, car elle est l'expression même de la réalité. La multiplicité réelle concerne la réalité, la multiplicité numérique la représentation.

    En conséquence, la singularité ne fait pas fond sur d'autres singularités à proprement parler, l'autre est toujours une projection, une représentation émanant de la singularité irréductible.

    En ce coeur profond, les normes de l'action, les normes de mise à jour, les mode d'interprètation de soi ou d'aperception sont à creuser et à revoir de fond en comble, a fortiori dans cette société du spectacle et de la représentation qui s'apparente à un processus d'hypnose, à un sommeil anthropologique, à une réduction imbécile de la maturité humaine, à une perversion de sa nature, une fausseté.

    C'est uniquement en touchant ce coeur de la réalité que nous pourrons comprendre et redresser la vie en commun, la vie tout court.

     

     

       


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  • La liberté sans argent, la liberté sans amis, la liberté de faire ce que l'on veut de soi, lorsqu'on ne sait rien faire...

    Autant de perspectives qui donnent à la liberté une tournure autre, une liberté qui nous questionne.

    La liberté se gagne, elle est le fruit de savants équilibres, d'apprentissages, de renoncements, d'éducation, d'ascèses, de retenue, d'observations... Elle est le fait de correspondre à son être sans entrave, un fait de résonnance et de partage avec le milieu, un échange.

    La liberté est un échange consenti, absout. La liberté est une fleur, précieuse, à la pointe de l'être ou de la nécessité. Elle existe comme un fruit rare aux branches de l'univers, elle est l'ultime regard.

    La liberté est une mélodie de l'être qui trouve assez d'espace pour pallier la contingence, l'anecdote, la saisie, l'envie, et la nécessité.

    La liberté est la domination heureuse du principe de réalité. 

    Mais la liberté plus encore, est celle de s'avancer vers l'inconnu.

    Elle est celle d'un horizon ouvert, celle de se reprendre et de s'orienter vers des zones d'ignorances, là où paradoxalement, on découvre qu'on ne maîtrise rien...

    La liberté sans argent, dans des conditions de vie précaires, là où les théories du libre arbitre n'ont plus même de sens, tant l'arbitre rejoint la nécessité des sens et s'y plie, s'y débat, qu'en penser ?

    A l'inverse, la liberté de se précipiter dans l'avoir et l'apparence, de s'identifier à la représentation et de se juger à l'aune de ces représentations dominantes, dans la représentation générale d'un grand système du monde.

    En ces présentations induites de ce système du monde : la liberté de tout faire ! De se sacrifier pour parvenir au top, conforter son image à la norme présentée, et être, enfin être, à l'image... de soi, de Dieu, des publicistes, des assoiffés de pouvoir...

    On ne sait plus trop. Tout celà sans voir l'autre toujours! Sans voir Les Autres, sans voir les conséquences de ses actions.

    Etre celà qui correspond parfaitement à l'image de l'être que l'on avait ingurgitée, et comme celà se penser libre d'être.

    Comme cela d'être soi correspondre à un être commun ou un être norme... Ou à un être dicté, qui ne réalise pas même être dicté, tant est saisi par la dictée! 

    Etre... En référence à des idôles :  la liberté.

    Liberté d'être un pion, ou de s'estimer tel.

    Liberté d'aider ou d'aimer son prochain. Liberté de temps restant, lorsque les besoins du corps sont assouvis... Ou liberté d'assouvir d'autres besoins. Ou besoin de liberté. Ou besoin d'être autre, de s'oublier pour être libre.

    Car l'identité emprisonne : l'être est une coquille vide disaient certains... Mais non tant vide qu'un schéma opérationnel avec le dehors, tacite, inclus dans la langue, dans l'air du temps... Mais aussi dans le devenir, l'autre, l'ailleurs, l'étrangeté.

    L'étrange qui survient pose plus question que "l'étrangé". La liberté y est inscrite, elle s'en nourrit même, car sans celà l'identité serait croupionne, une avarice, une pure tautologie, et à la fin, une négation par récurrence du même.

    L'autre qui vient et pose question est le révélateur de la liberté. Et l'autre c'est toute chose, au sens où il n'y a que de l'autre, et en son sein la mémoire, la sagesse, et notre tiraillement à être, ceci ou celà, soi ou autre, autre soi, oubli de soi.... Quelles valeurs choisirons nous, sachant que l'arbitre se jauge sur des valeurs, sur ces valeurs! 

    Quel jeu de valeurs ? Choisirons nous encore, en nous, et c'est la liberté, de suivre l'hédonisme, ou les valeurs de la fierté, du gain ou du partage, de l'oubli ou de la fidélité à un être, à une idée, à une foi qui se révèle croyance tout au plus...

    Tout ce jeu en nous qui monte comme le flot des océan, c'est le jeu de la liberté. 

    Un jour complètement engouffré dans l'illusion, conditionné par le désir, les yeux pulpeux, un autre jour gonflé par l'alcool, un autre jour par les drogues diverses, par l'argent, le pouvoir, la représentation...

    La liberté.

    La liberté est au coeur de tout celà, ce fluide ontologique, racine de la réalité. Ce fluide ontologique qui fait qu'en tout état de cause, il y a toujours un chemin!

    Ce chemin est peut être complètement estompé, parfois on n'en voit plus la trace, mais une ligne ne demande pas à être tracée pour être possible.

    Telle est notre condition d'êtres humains : "une ligne ne demande pas d'être tracée pour être possible"... et même nécessaire.

     

     

     

     


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